Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.
Il existe une pléthore de citations, de proverbes ou d’adage sur la jeunesse. «La jeunesse est une fraction de folie» ou «L’ivresse de la jeunesse est plus forte que l’ivresse du vin» selon des proverbes arabes et persans. En France, on a : «Les voyages forment la jeunesse», ce qui sous-entend que ceux-ci permettent de découvrir d’autres façons de vivre et de penser ; qu’ils sont utiles et même nécessaires à la connaissance, l’initiation et l’éducation. Henri Anne Mercier, un demi-frère d’une de mes arrière-grands-mères, n’a pas hésité à tester le concept. C’est sûr que ces voyages lui ont permis de découvrir une autre façon de vire, car il les a faits en partie entre 4 murs à la suite… d’erreurs de jeunesse.
Le 2 octobre 1878 , Joseph Marie Mercier, ancien zouave pontifical, habitant de la ville de Vannes à 2 pas de l’hôtel de ville, déclare la naissance de son fils Henri Anne Marie, qu’il a eu avec Anna Marie Renaud, sa deuxième épouse. Au début des années 1880, la famille d’Henri s’installe à Nantes où son père est premier commis d’hypothèques, puis un dizaine d’années plus tard à Chantenay, petite commune de la banlieue nantaise. En 1896, Henri s’est visiblement affranchi de sa famille puisqu’on ne le retrouve au sein de celle-ci dans les recensements de la ville. Mais c’est aussi cette année-là qu’il commence à se faire connaître en étant mentionné, à plusieurs reprises, dans le journal «Le Phare de la Loire». Il y apparaît avec divers qualificatifs que l’on peut rapprocher de l’expression «mauvais garnement».
Paris a été l’un des premiers voyages d’Henri. Comme chacun sait, un voyage nécessite des sous et le métier de ferblantier n’est peut-être pas assez rémunérateur pour cela. Qu’à cela ne tienne, Henri et un compère se procurent l’argent en revendant des marchandises volées. C’est ce qu’on appelle du recel de vol au yeux de la loi. L’auteur du vol, déjà condamné, les dénoncent probablement et un mandat d’arrêt est délivré à leur encontre. Je ne sais pas s’ils ont eu le temps de profiter de la Tour Eiffel ou autres endroits attrayants de Paris mais le retour à Nantes n’a sûrement pas eu les mêmes attraits puisqu’ils sont conduits à la maison d’arrêt. Évidemment, Henri et son complice passent devant le tribunal et sont condamnés à 1 mois de prison, mais il y a un petit retournement de situation pour le jeune receleur. L’article du 6 mai 1896 souligne l’audace d’Henri et comme le dit l’adage «La chance sourit aux audacieux», Henri va sourire.
Si Henri sourit, c’est grâce à René Berenger qui cumule les fonctions d’avocat, magistrat, criminaliste et d’homme politique. Ce dernier est à l’origine d’une loi promulguée le 26 mars 1891 sur l’atténuation et l’aggravation des peines. Dans le cas d’Henri, il est question d’atténuation, puisque l’article premier de ladite loi lui permet de surseoir à sa peine car il n’a jamais été condamné auparavant. Henri ressort libre mais va-t-il apprendre de ses erreurs et en tirer les leçons? Pensez-vous! Pourquoi s’arrêter en si bon chemin?
5 mois plus tard, Henri entreprend un voyage vers un monde spirituel, pourrait-on dire. Pour cela, pas besoin d’un gros budget mais simplement de quelques bouteilles, ou plusieurs verres, contenant une boisson alcoolisée. On connaît tous l’état qui en découle si on en abuse et Henri ne déroge pas à la règle. Comme nous l’avons vu pour Pierre Benoni Aoustin, de l’article «Gredin briéron» et qui était coutumier de cet état, l’ivresse sur la voie publique est un délit. Si en plus il y a un échange de noms d’oiseaux avec les forces de l’ordre, cela ne peut finir qu’en prison. C’est effectivement ce que décide le tribunal correctionnel de Nantes le 6 octobre en condamnant l’irrévérencieux Henri à 15 jours d’incarcération. Est-ce que notre garnement va s’assagir après cet épisode? Vous vous doutez bien que non! Au contraire et Henri va en payer les conséquences.
Dans la soirée du 16 novembre 1896, Henri et 2 comparses, dont un qui n’est autre que celui qui avait été condamné avec lui pour recel, traînent sur le quai de la Fosse à Nantes. Charles Arcady, un maçon de 47 ans, visiblement imbibé, a le malheur des les croiser. Les 3 compères, dans un élan purement altruiste, décident de lui tenir compagnie et l’entraînent dans les débits de boisson environnants. Le boisson faisant son œuvre, le pauvre maçon finit par être complétement ivre. Henri et ses amis se proposent sûrement de la raccompagner chez lui, et profitent de son état pour le molester et le dépouiller de 50 francs. Évidemment, une fois que Charles a dégrisé, il porte plainte et les 3 voleurs sont appréhendés. Jugés le 25 novembre, ils sont condamnés à 13 mois de prison. Cela aurait pu s’arrêter là. Seulement, Henri et ses 2 copains décident de faire appel. Mauvaise pioche! Pas d’atténuation de peine cette fois-ci mais une aggravation non négligeable. En effet, le 14 décembre, la cour de Rennes confirme le jugement du 25 novembre et augmente la peine d’Henri. Il écope de 4 ans de prison.
Henri purge sa peine et est libéré le 17 novembre 1900, mais c’est une libération de très courte durée car il est incorporé le jour même dans le 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique. Cette fois, le voyage l’emmène bien loin des bords de la Loire, mais sur ceux de la Méditerranée, à Tunis ou est stationnée sa garnison. Tout comme sa peine, il y passe pratiquement 4 ans avant de retrouver la vie civile en février 1904.
«Il faut bien que jeunesse se passe» selon un protagoniste de la pièce de théâtre «Jazz» de Marcel Pagnol. C’est visiblement le cas pour Henri, qui après son retour sur Nantes, laisse derrière lui une bonne fois pour toutes ses errements de jeunesse. Pour en finir vraiment, sa condamnation reçue le 6 octobre 1896 pour ivresse et outrages à agent est amnistiée selon l’article 1 de la loi d’amnistie promulguée le 24 octobre 1919.
Sources & Crédits
Archives départementales du Morbihan – 4E_260_143-0001 1878 Vue 62/82
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 30 avril 1896 page 2
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 6 mai 1896 page 3
Legifrance – Journal officiel de le République française N° 85 du 27 mars 1891
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 4 octobre 1896 page 2
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 8 octobre 1896 page 3
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du18 novembre 1896 page 2
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 27 novembre 896 page 2
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 18 décembre 1896 page 2
Wikipédia – Quai de la Fosse
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Fiche matricule de Henri Anne Marie Mercier Classe 1899 Matricule 950
Legifrance – Journal officiel de la République française N° 290 du 25 octobre 1919
C’est sûr que 4 ans de prison et 4 ans de Bat d’Af, ça calme !
Il aurait peut-être dû réfléchir avant de faire appel, mais bon 🙃
Huit ans de réflexion ….
D’habitude c’est 7 mais une année supplémentaire ne fait pas de mal 🤣
Un élan purement altruiste 😂😂 qui aura coûté cher !
Comme quoi une bonne action n’est jamais récompensée à sa juste valeur 🤣
Il aura fallut le temps, mais au moins, il s’est rangé.
Mieux vaut tard que jamais, comme on dit 😉
C’est vraiment super de pouvoir exploiter ainsi la presse locale, cela permet de retracer des destins qui nous échappent si on se cantonne simplement à l’état civil. Personnellement, je suis un peu jaloux car sur mon terroir des Deux-Sèvres, il y a très peu de journaux numérisés (seulement le Mémorial des Deux-Sèvres par les AD79 et il n’est pas océrisé).
Il est vrai que la Loire-Atlantique est bien pourvue en presse ancienne et surtout merci à l’océrisation 😉
Je n’ai jamais trouvé de comportements de ce genre dans ma famille, à l’exception d’un lointain collatéral. Mais peut-être que si je cherche…
Les jeunes de l’époque 😅
J’aime beaucoup les différents proverbes qui émaillent ton récit
Je me suis un peu lâché 🤣
Henri a payé cher ses erreurs et n’a pas eu de chance !