Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.
Oups, qui vient de l’anglais oops, est une interjection qui d’une part, marque la surprise d’une personne rencontrant une déconvenue, et d’autre part, est dite quand un individu prend conscience d’un oubli, une erreur, un raté… On peut donc penser que le fait de dire «oups!» est l’apanage d’une personne commentant des maladresses, à l’image de Gaston Lagaffe. Mais il y a maladresse et maladresse. En effet, renverser son café sur la chemise blanche d’un collègue de travail sera perçue comme une maladresse risible (pour certains tout du moins), tandis que provoquer la mort de quelqu’un à la suite d’une manipulation maladroite aura une toute autre signification. Je ne suis pas sûr que ce mot soit venu à la bouche de Narcisse Désiré Bemelmans lors d’une partie de chasse en 1876.
Le 16 juin 1845 à Bonneuil, dans le Val-de-Marne, Anne Deligny, épouse de Charles Bemelmans, met au monde un garçon nommé Narcisse Désiré. Il est le 4ème enfant du couple, dont le mari est marchand de vin. Les affaires marchent-elles mieux en province? C’est possible, car peu de temps après, la famille s’installe à Chenoise, commune située à une dizaine de kilomètres de Provins, où le père de Narcisse est désormais épicier. En 1874 Narcisse et la demoiselle Clarisse Antoine passent devant le maire de Chenoise. Après s’être promis mutuellement respect, fidélité, secours et assistance, les jeunes mariés se rapprochent un peu de la capitale en s’installant à Ozoir-la-Ferrière. Narcisse suit les traces paternelles et exerce dans le commerce de boissons, il est limonadier. Mais il est aussi chasseur à ses heures, comme un grand nombre d’individus à cette époque, je suppose. Début septembre 1876, voulant profiter de l’ouverture de la chasse, Narcisse retourne dans la commune qui l’a vu grandir, pour s’adonner à cette activité. «Si j’aurais su, j’aurais pas venu!». Narcisse, tout comme le petit Gibus, dans le film d’Yves Robert «La guerre des boutons», a probablement pu se le répéter en boucle à la fin de la journée du 3 septembre.
Je vous avais dit dans l’article «Liquidation abusive» que garde-chasse, ou garde particulier, était un métier comportant quelques désagréments. On pouvait par exemple se faire attaquer par des bêtes sauvages ou tirer dessus par des braconniers. Mais on pouvait aussi recevoir un coup de fusil d’un chasseur qui dans certains cas était fatal. Eugène Charles Lemoine, garde particulier à Chenoise, aurait pu dire lui aussi la réplique du petit chasseur de boutons, le 3 septembre 1876 vers 17 heures, mais je doute que sa blessure lui en ait laissé le temps. Rien d’intentionnel bien évidemment de la part de Narcisse, simplement les chiens de son fusil, c’est-à-dire les pièces mécaniques qui servent à percuter l’amorce des cartouches, qui se sont abattus à la suite d’un faux mouvement. Malheureusement, le coup a touché l’artère fémorale du garde et ce dernier s’est vidé de son sang en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. A la vue de ce qu’il vient de se produire par sa faute, Narcisse dans un geste de désespoir a tenté de mettre fin à ses jours, qui probablement allaient devenir plus sombres par la suite. Effectivement, une enquête étant ouverte, il est écroué à la maison de Provins en attente des résultats de l’instruction. En attendant, il y a peut-être un paragraphe de l’article qui vous a interpellé. En effet, quelle est donc cette pièce de gibier à l’origine du décès accidentel d’Eugène Lemoine?
Dans une chanson pour enfant, il est question d’un lapin tuant un chasseur. Même si ici, il ne l’a pas tué directement, nous avons affaite à un autre genre d’animal : une caille! Quand on pense que cet oiseau, mesurant à peine 15 cm, est devenu en quelques secondes un prédateur, pour l’homme, on a du mal à y croire. D’un autre côté, il faut reconnaître qu’il a été un peu aidé par Narcisse. En parlant de Narcisse, il est à noter que pour une fois, son prénom est cité ce qui enlève tous les doutes sur l’identité du Bemelmans chasseur. Par la suite, le «Coturnix coturnix» n’a pas été poursuivi par la justice, ce qui, en revanche, n’a pas été la cas pour Narcisse.
Narcisse n’est pas resté longtemps derrière les barreaux. Il retrouve la liberté 4 jours après l’accident, une fois que l’instruction menée par les magistrats a été terminée. Une semaine après, le 14 septembre, il est jugé pour homicide par imprudence et écope d’une amende de 200 francs mais sans compter des dommages et intérêts à la famille d’Eugène Lemoine. Cette dernière réclame 25 000 francs mais je ne sais pas si c’est cela qu’elle a obtenu. Narcisse décède 4 mois plus tard à 31 ans et bien que rien ne soit indiqué sur son acte de décès, on peut se demander si le poids du remord n’a pas été trop lourd à porter…
Pour information, lors de la saison de chasse 2022-2023, il y a eu 78 accidents dont 6 mortels, ainsi que 84 incidents. Ces derniers correspondent à des tirs vers des habitations, des véhicules et des animaux domestiques! Est-ce pour cela que j’ai plutôt tendance à voir les chasseurs à l’image de ceux poursuivant la galinette cendrée dans un célèbre sketch des Inconnus? La réponse est dans la question, entre autre!
Sources & Crédits
Archives départementales de la Seine-et-Marne – Le Publicateur de Meaux du 14 septembre 1876
Gallica – Feuille de Provins du 23 septembre 1876
Wikipédia – Caille
Archives départementales de la Seine-et-Marne – Le Publicateur de Meaux du 21 septembre 1876
Gallica – Feuille de Provins du 30 septembre 1876
Gallica – Feuille de Provins du 7 octobre 1876
ASPAS – Chasse : plus d’un accident sur 4 concerne un non-chasseur !
La date de son décès, si proche de celle de l’accident, conduit forcément à se poser des questions…
Sans réponse pour l’instant 😔
Mort de honte et de chagrin…
Probablement 🤔
Tu as sans doute cherché dans la presse pour savoir si l’assassin involontaire ne se serait pas suicidé. Le suicide sera le thème de la lettre S sur « L’arbre de nos ancêtres » et c’est le seul article pour lequel on a pu s’appuyer sur un journal.
Oui, je n’ai rien vu pour l’instant allant dans ce sens! Je vais vous devancer, Sylvie et toi, car de mon côté la brève sur le suicide est prévue demain 😉
Oups, Narcisse était un maladroit !
La moralité de cette histoire est que la caille a eu la vie sauve !
Tout à fait et on ne peut que s’en réjouir. Pour la caille, bien évidemment 😉
Visiblement, ce genre d’accident ne sert jamais de leçon. La saison de la chasse interdit toute balade (je l’ai appris à mes dépens). Je plains (un peu) Narcisse, il n’avait évidemment aucune intention de tuer quiconque, et ce drame a dû être bien lourd à porter. La caille s’en est tirée, comme les faisans qui viennent se réfugier dans mon jardin 🙂
Très bonne initiative des faisans 😊
Oups a du dire la caille, je l’ai échappé belle
🤣
Oh le pauvre… il n’a pas du le supporter….
Probablement 😔
Toute la différence entre le bon et le mauvais chasseur 🤣🤣
Incroyable fait divers.
On a les mêmes références 😅