Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.
Bisbille, un terme un peu suranné ou désuet, mais qui est peut-être à l’origine de ce qui s’est passé une nuit sur l’île de Fédrun en Brière. Selon le Robert, une bisbille est une petite querelle pour un motif futile. Quelque soit la futilité du motif, ce qui est sûr c’est que la querelle a dégénéré et a eu une issue fatale pour un des participants. En effet, Donatien Aoustin, sourd-muet, cordonnier de son état et avec lequel mes enfants cousinent au 14e degré, a été retrouvé quasiment décapité un matin d’août 1905 à Saint-Joachim.
En août 1905, cela fait 3 ans que Donatien est veuf. Est-ce la solitude qui le pousse à taquiner la bouteille à la place de la Brème ou de la Perche soleil, espèces abondantes dans les marais briérons? C’est possible! Toujours est-il qu’en ce soir du 6 août, Donatien est fortement alcoolisé et c’est probablement en titubant qu’il rentre sur Fédrun pour aller dormir là où ses pas le mèneront. Pierre Moyon, un de ses compagnons de beuverie, va le découvrir le lendemain matin dans un triste état, comme le relate «Le Phare de la Loire» dans son édition du 9 août.
Comme il est indiqué en sous-titre, l’article donne moult informations sur le crime. Cela fait suite à ce que le journal avait publié brièvement la veille («Le Phare de la Loire» du 8 août 1905), sur ce qui s’était déroulé à Saint-Joachim. Au début du 20e siècle, on est plus près des «Brigades du Tigre» que des «Experts» pour les méthodes d’investigation, mais cela ne veut pas dire que celles-ci étaient moins efficaces. On découvre ainsi les faits et gestes de Donatien dans les heures qui ont précédé son meurtre. L’analyse de la scène de crime et du corps indiquent, quant à eux, que Donatien s’est défendu avant de succomber sous les coups de son assassin. On peut éventuellement supposer que son infirmité ne lui a peut-être pas permis d’appeler à l’aide. Il apparaît aussi que le cordonnier est mort aux environs de 2 heures du matin. Les blessures infligées au malheureux sont nombreuses et d’une extrême violence ce qui laisse penser aux enquêteurs que le meurtrier est un déséquilibré. Par la suite, de nombreux indices sont retrouvés et un suspect est rapidement identifié.
Il apparaît que le meurtrier présumé est un dénommé Stanislas Moyon, âgé de 34 ans Ce dernier est bien connu de son voisinage à Fédrun pour des faits de violence envers son jeune frère. Il est, de plus, considéré comme détraqué, sournois et méchant. C’est à la suite de la découverte d’une bêche couverte de sang dans l’écurie de son père et le fait qu’il soit en fuite, que sa probable culpabilité a été établie. Le juge d’instruction délivre alors un mandat d’arrêt à son encontre et son signalement est transmis aux gendarmes de Montoir-de-Bretagne et de Pontchâteau. Enfant de la Brière, Stanislas Moyon connaît particulièrement bien la région, ce qui peut rendre sa traque plus ardue pour les forces de l’ordre. Il est toutefois rapidement appréhendé, le 10 août à Crossac, un village voisin de Saint-Joachim.
C’est sans aucune résistance que Stanislas Moyon a été arrêté et celui-ci a rapidement avoué son crime dans un mélange de propos incohérents et de larmes. Lors de son arrestation, il était en possession d’un couteau ensanglanté, désignant ainsi une autre arme ayant servi à perpétrer son crime («Le Phare de la Loire» du 12 août 1905). Par la suite, Stanislas est emprisonné à Saint-Nazaire, mais le docteur qui l’examine déclare qu’il est dans un état complet d’inconscience et il est alors transféré à l’Hospice général de Saint-Jacques à Nantes («Le Nouvelliste d l’Ouest» du 14 août 1905). Il apparaît aussi selon «Le Nouvelliste d l’Ouest» du 11 août 1905 que le criminel et sa victime étaient apparentés, Stanislas étant présenté comme neveu de Donatien. Voulant approfondir cette information, j’ai fait des recherches sur Stanislas Moyon. Son prénom, peu courant en Brière, et son âge au moment du méfait, m’ont permis de le retrouver sans trop de difficultés. Sa fiche matricule, quant à elle, a confirmé qu’il s’agissait bien de lui puisqu’elle mentionne son aliénation mentale avec un pronostic d’incurabilité. Geneanet faisant le reste, les résultats montrent qu’il y a effectivement un cousinage entre Donatien et Stanislas, neveu à la mode briéronne, comme on le rencontre souvent dans les îles de Saint-Joachim! Et c’est aussi le cas de Pierre Maillard, le soudeur malheureux (cf. de l’Arc au ciel) et sosa 24 de l’arbre familial.
Au bout du compte, bisbille n’était peut être pas si inapproprié comme titre. Au-delà de la petite querelle qui s’est soldée par un crime, le motif de celle-ci était bien futile. En effet, Donatien, qui en règle générale dormait un peu n’importe où quand il était ivre, s’était couché dans la grange où Stanislas faisait habituellement son lit. Cela a fortement déplu à ce dernier, qui alors a traîné le cordonnier hors de la grange avant d’exercer sa fureur contre lui…
Sources & crédits
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 9 août 1905 page 3
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 10 août 1905 page 2
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Phare de la Loire du 11 août 1905 page 2
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Fiche matricule de Stanilas Moyon (2470)
Geneanet – Base généalogique de la Brière
Gallica – Le Matin du 11 août 1905 page 5
Pauvre bougre, sauvagement assassiné… C’est de plus en plus glauque dis-moi 😐
J’aurai du prévenir, âmes sensibles, s’abstenir! C’est vrai aussi que les faits divers sont rarement joyeux 😒
Je connais bien la famille Aoustin. Mon beau frère en est issu. La semaine prochaine, j’en parlerai.
Un cousin potentiel ? Après des Aoustin il y en a une palanquée sur Saint-joachim 🤣 j’attends la semaine prochaine 😉
Peut être! Je connais bien Saint Joachim, j’y ai passé beaucoup de temps en Brière avec ma grand-mère. Saint Joachim appartient à la famille Aoustin 😉 Plus de détail lundi!
J’ai hâte de voir cela 😊
Magnifique l’arbre généalogique ❤️
J’y ai mis tout mon cœur 🥰
Il faut réhabiliter le mot « bisbille » !
Malheureusement, ça va mal tourner… Pauvre Aoustin.
C’est une idée 😅 effectivement pauvre Donatien
Bisbilles, je trouve le mot joli, voire mignon, mais là, ça dégénère sévèrement pour la pauvre victime ! Alors l’article aurait pu être « Blessures volontaires ayant… »
👏 Pour l’écriture
Merci Laurence 😊 C’est vrai pour bisbille mais c’est la dualité du mot et de l’acte qui m’ont plu 😉
Aoustin, Moyon, Halgand, des nom de famille bien de la Brière !
Et avec Vince on a le quatuor gagnant des patronymes qui fleurissent dans les marais 😅
Et les Taconnet!
De la bisbille de compétition ! Je suis assez contente de n’avoir pas lu cette brève – notamment la reconstitution du crime par le premier journaliste – tôt au réveil un matin de semaine 😅
😅 si on regarde les articles des différents journaux, c’était à qui donnerait le plus de détails sur les blessures de Donatien 😱