Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.
Il y a certains faits divers devant lesquels on ne peut raisonnablement pas rester insensible. En particulier quand, des enfants sont impliqués et qu’ils ont trouvé la mort. Mais c’est encore plus inimaginable et incompréhensible lorsque la mort leur a été donnée par un de leur parent. Jean Marie Joseph Leloup est l’incarnation de cette incompréhension. Il a commis l’irréparable en entraînant dans un acte de folie, ou de désespoir selon certains journaux, sa femme, ses 2 jeunes enfants et leur jeune bonne.
Au début de l’été 1927, de nombreux journaux de France et de Navarre, sans oublier ceux des colonies, consacrent des articles, ou quelques lignes, au drame qui a eu lieu dans la commune de Fondettes en Indre-et-Loire. Au fil des jours et après avoir donné le déroulement des faits survenus dans la villa du Capitaine Leloup lors de la nuit du 27 au 28 juin, des explications sont données pouvant alors expliquer les causes de la tragédie.
Avant d’en venir à ce qui s’est passé à Fondettes, intéressons-nous d’abord à Jean Marie Joseph Leloup. Celui-ci est né le 24 juin 1884 à Pontlevoy, petite commune de 2 500 habitants, proche de Blois dans le Loir-et-Cher. Il est le fils de Joseph Leloup, fabricant de chaux et de Maria Gaudron. A 20 ans, Jean Marie Joseph s’engage dans l’armée et va y faire carrière. Le 4 avril 1919, il est promu Capitaine au sein du 8e escadron de train. En 1924, après 3 ans de congés sans solde, Jean Marie Joseph est réintégré et affecté au commandement du groupe automobile du 9e escadron de train à Tours. Côté vie personnelle, il épouse Marie Ernestine Jeanne Fosset le 4 avril 1914 à La Châtre, dans l’Indre et va avoir 2 enfants, René et Pierré, nés en 1915 et 1923. En 1926, Jean, sa femme et ses enfants résident à Fondettes, en Indre-et-Loir, dans une villa située au lieu-dit «le Pont de la Motte», avec une domestique et une ordonnance du Capitaine Leloup.
Si l’on s’en tient à ce que je viens de décrire, Jean semble avoir une vie que l’on peut qualifier de «normale». A Fondettes, il est estimé par son entourage, semble faire bon ménage avec Marie et visiblement adore ses 2 enfants, selon les dires du voisinage. C’est à ce moment-là que l’on aimerait dire «Ô temps, suspends ton vol !» car le mardi 28 juin 1927 vers 3 heures du matin, tout bascule. Alerté par un bruit de déflagration semblant provenir de la résidence des Leloup, un voisin s’en approche et constate qu’un incendie s’est déclaré dans la villa.
Il donne l’alerte. D’autres voisins accourent et tentent d’atténuer les flammes en attendant les secours. Les pompiers arrivent ainsi que des détachements du Génie avec les moyens nécessaires pour éteindre l’incendie. Ils essayent de faire en sorte que le feu ne s’étende pas aux maisons voisines. Au petit matin, l’incendie est maîtrisé et les décombres de la villa sont complètement noyés. Les secours y pénètrent et découvrent les cadavres de Jean, Marie, René et Pierre ainsi que celui de Thècle Guillon, leur jeune bonne âgée de 17 ans. Le feu a fait œuvre, les corps sont dans un état effroyable, ils sont tous carbonisés. Mais après cet horrible constat, viennent les premières questions et interrogations. Pourquoi personne n’a réussi à sortir de la maison? Comment le corps de Thècle s’est retrouvé près de celui de Jean et Marie alors que ceux des enfants étaient dans leur chambre? Sont-ils morts asphyxiés? Une autopsie pourra éventuellement le dire. Une enquête est bien évidemment diligentée car apparaissent des faits troublants survenus peu de temps avant le drame. En effet, on apprend que le Capitaine Leloup était rentré vers minuit du camp de Ruchard, situé à une quarantaine de kilomètres de là, où il était en entraînement, alors que sa femme avait visiblement prévu de l’y rejoindre avec les enfants le lendemain matin. Dès le lendemain du drame, les journaux commencent à révéler les origines de l’incendie mais aussi le côté obscur du Capitaine Leloup.
En premier, il apparaît que l’incendie n’était pas accidentel. Des traces d’essence sont retrouvées ici et là ainsi qu’une pile de linge imbibée de ce carburant et qui a échappé aux flammes. Se peut-il que le Capitaine Leloup ait délibérément mis le feu à sa demeure entraînant ainsi la mort de sa famille et de leur jeune bonne? C’est là qu’interviennent les révélations le concernant et qui montrent une toute autre image que ses voisins pouvaient avoir de lui. Tout d’abord, Jean était fragile à la suite d’une trépanation qu’il avait subie après un accident d’automobile. Puis, il était en absence illégale depuis 3 jours et se trouvait également sous le coup d’une peine disciplinaire pour des irrégularités trouvées dans ses comptes au 9e escadron de train. Il était aussi acculé par les dettes après avoir subi des pertes d’argent importantes en jouant à la bourse. Enfin pour finir, il a passé la soirée du 27 juin dans un débit de boisson à proximité de son domicile. Tout cela, mis à bout à bout, a conduit Jean Leloup à commettre cet acte de folie! A son évocation, il est impossible de ne pas avoir une pensée très émue pour René, âgé de 12 ans ; Pierre âgé de 4 ans ; Thècle âgée de 17 ans et qui était une enfant de l’assistance publique ; sans oublier Marie, âgée de 38 ans.
Je suis un inconditionnel de la bd «Idées noires» de Franquin et à ce titre, je suis conscient que certains titres de mes articles dans ce challenge peuvent, ou pourront, être teintés d’humour noir. Toutefois, n’y voyez rien d’irrespectueux mais un moyen de coller aux lettres de l’alphabet et aussi d’être dans une certaine logique de titres accrocheurs comme le font certains journaux. Pour cet article, en raison de la proximité du solstice d’été concernant la date du fait divers et du prénom du Capitaine Leloup, j’ai failli le nommer Feux de la Saint-Jean. Vous me direz, si vous le souhaitez, si j’ai bien fait de ne pas le retenir. Par ailleurs, certains quotidiens de l’époque n’hésitaient pas à faire quelques jeux de mots au sujet de ce drame, comme «Le Quotidien» du 30 juin 1927, dans la conclusion de son article. Je vous en laisse juge.
Sources & Crédits
Gallica – Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire du 30 juin 1927 page 6
Gallica – Le Petit Parisien du 29 juin 1927 page 1
Gallica – La Liberté du Sud-Ouest du 30 juin 1927 page 2
Gallica – Le Petit Méridional du 1ier juillet 1927 page 2
Gallica – La Dépêche algérienne du 1ier juillet 1927 page 5
Gallica – Les Nouvelles du 30 juin 1927 page 1
Gallica – La Dépêche de Constantine du 1ier juillet 1927 page 4
Gallica – Le Petit journal du 30 juin 1927 page 3
Archives départementales du Loi-et-Cher – 2 MI 48/R79 – 1904 Matricule 318
Archives départementales d’Indre-et-Loire – 1926 6NUM5/109/017 Vue 27/77
Archives départementales d’Indre-et-Loire – La Touraine Républicaine du 28 juin 1927 Vue 727/1623
Archives départementales d’Indre-et-Loire – La Touraine Républicaine du 29 juin 1927 Vue 731/1623
Gallica – Le Quotidien du 30 juin 1927 page 1
Je ne sais pas quoi dire… Comment quelqu’un peut-il en arriver là et entraîner tant d’innocents avec lui ?
Je n’avais non plus de mots aussi quand j’ai découvert les articles 😰
J’aime beaucoup vos titres et une bonne dose d’humour noir n’est pas sans me déplaire. Un moyen de mettre à distance les faits que vous nous exposez.
Tout à fait Véronique!
L’humour est autorisé, il pose une distance avec des faits atroces. Je ne connaissais pas cette histoire, mais je vois où se trouve le Pont de la Motte à Fondettes et j’ai souvent traversé le camp du Ruchard, ce sont des lieux familiers. Un seul coupable et quatre victimes innocentes… Quelle tristesse !
Je ne connais pas du tout la région. Un jour j’espère pouvoir y faire un tour.
Quelle tristesse !
Comment ne pas penser à d’autres drames du même style (!)
Oui cela fait référence à d’autres malheureusement 😔
Je pensais faire un challenge très noir cette année avec les 26 décès en Deux-Sèvres, je suis largement battu. Avec Sylvie, nous nous sommes posé les mêmes questions sur les titres, sur la dose d’humour à mettre (ou pas) dans les articles. Tout est question de dosage, on peut être à la fois respectueux et apporter une touche d’humour (noir) pour dédramatiser, prendre de la distance… Le journal « Brèves d’infos » remplit très bien ce contrat.
Pour être honnête, j’ai hésité pour cet article mais je me suis aussi dit que c’était un moyen de sortir de l’oubli les 2 jeunes enfants, leur mère ainsi que Thècle la jeune domestique 😔
Toute la difficulté est là ! Le généalogiste oscille parfois entre histoire et roman.
Le ton des journalistes de la fin du XIXe siècle (et d’une partie du XXe) est bien moins épuré que celui d’aujourd’hui. Alors, un peu d’humour noir pour retrouver l’ambiance d’alors, pourquoi pas ? Dans ce cas, j’aime bien la forme RDVAncestral, qui me permet de mettre « en scène » quelques personnages de fiction ou tout du moins de mettre de la distance avec mes ancêtres.
Il est vrai que lorsqu’on lit les journaux de cette époque et avant, ils étaient assez directs dans les articles 😳
Bon bah voilà, j’ai eu les larmes aux yeux en lisant cette brève…. Terrible! L’action de la justice est éteinte….
Le titre est très bien.
Je te comprends, difficile de rester insensible 😢
Quelles horribles morts … J’ai du mal à concevoir le suicide, mais entrainer épouse et enfants dans la mort !!! Si encore les morts en question avaient été « douces » au sens indolores … Mourir brulés !!!
Il se pose la question du « pourquoi nul n’est sorti » …
Visiblement ils n’ont pas poussé très loin pour les autopsies selon d’autres articles qui auraient pu peut-être expliquées pourquoi personne n’est sorti 🤔
L’humour noir et l’ironie sont des systèmes de défense et de mise à distance, dont j’use moi-même énormément. Face à l’incompréhensible, l’humour est un outil pour que le cerveau, qui a tant besoin de comprendre, ne « tilte » pas.
Ces drames sont terribles et incompréhensibles ; sortir de l’oubli les victimes grâce à votre Challenge, c’est un bel hommage.
Merci Marthe! C’est le moins que je pouvais faire 😌
Après l’eau de feu, voici un feu sans joie… Quelle tristesse, comment ne pas être consterné par cette catastrophe !
Cependant, je suis fan de tes Brèves et de leurs titres
Malheureusement les faits divers sont rarement joyeux 😔 mais certains par la suite seront plus softs.
Bravo 👏👏 Je crois que tu as trouvé le Xavier DDL qui se cachait dans ton arbre !! Je n’ai pas encore croisé le mien 🤷♀️ Ce commentaire répond il à ton interrogation sur tes titres ? qui sont juste parfaits. Feu de la saint jean passait large, on est entre nous 😉
J’ai failli faire la comparaison 😔 et pour le titre je n’en doutais pas une seconde en ce qui te concerne 😉
D’habitude, j’évite les faits-divers trop macabres, mais puisque c’est ton ChallengeAZ, je les lis fidèlement.
C’est vrai que celui ci est particulièrement sinistre, désolé 😔