Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.
Nous voilà de retour en Brière, à Saint-Joachim, cette commune au milieu des marais dite aussi «Pays des grandes îles», où celles-ci se nomment Pendille, Fédrun, Aignac, Mazin, Bais, Ménac et Brécun. Dans cet article, il est encore question d’un Aoustin, ce qui n’est guère étonnant puisque plus d’un quart des habitants la commune porte ce patronyme. Pierre Benoni Aoustin à la différence de Donatien, le cordonnier sourd-muet de la lettre B de ce challenge (cf. Bisbille en Brière), est loin d’être une victime. Au contraire, on peut dire qu’il n’est pas un enfant de chœur. A la vue de la longue liste de ses méfaits, il possède un «sacré pedigree » qui va finir par le mener au bagne.
Pierre Benoni Aoustin est né le 17 avril 1855 au lieu-dit «La Rinais» sur l’île d’Aignac de Saint-Joachim. Il est le 8e et dernier enfant de Jean Baptiste, charpentier et de Marie Rose Mahé. Pierre Benoni, comme tout bon Briéron, devient marin. Le 28 avril 1868, âgé de 13 ans, il embarque à Saint-Nazaire comme mousse sur le sloop «Alexandre Marie». 3 ans plus tard, il passe novice. A partir de 1875, Pierre Benoni effectue son service dans la marine en tant que matelot de 3e classe, à Lorient puis à Toulon. Il est mis en congé renouvelable début 1879, avoir avoir passé les 2 derniers mois dans la prison de Pentaniou à Brest. Je connais pas les causes de son incarcération, mais celle-ci est un avant-goût de ce que va vivre Pierre Benoni par la suite.
De retour à la vie civile, Pierre Benoni regagne Saint-Joachim et va, à partir de ce moment, alterner les périodes en mer et les séjours en prison. Il fait régulièrement parler de lui dans la rubrique judiciaire du «Courrier de Saint-Nazaire» qui paraît tous les dimanches.
Pierre Benoni a peut-être voulu tester tous les chefs d’inculpations existant dans le code pénal, car il a été condamné plus d’une vingtaine de fois entre 1879 et 1885. La plupart du temps, il a écopé d’un court séjour en prison assorti d’une amende, mais aussi dans certains cas d’une interdiction. Interdiction de quoi? Interdiction, entre autres, de voter, d’être nommé comme juré, d’exercer un emploi dans l’administration. Cela découle de l’article 3 de la loi du 23 janvier 1873, tendant à réprimer l’ivresse publique et à combattre les progrès de l’alcoolisme. A la vue du nombre de fois où Pierre Benoni a été interpellé pour ivresse, on se doute que cette loi lui passait complètement au-dessus de la tête! A vrai dire, c’est la loi en général dont il ne se souciait guère car d’ivresse et insultes envers l’autorité, il est passé à coups et blessures ainsi qu’à outrage public à la pudeur! Là, il ne jouait plus dans la même cour et il a été condamné à 1 an et 1 jour de prison. Après son incarcération, Pierre Benoni reprend la mer, comme soutier, mais ses vieux démons le rattrapent et ce n’est plus devant le tribunal correctionnel qu’il est jugé mais devant la cour d’assises de la Loire-Inférieure le 18 décembre 1885.
Plusieurs vols et actes indécents s’étant déroulés à l’automne 1885 sont reprochés à Pierre Benoni. Je ne vais pas vous en faire la liste et vous laisse les découvrir dans l’article du «Le Journal d’Ancenis et de ses cantons» paru le 2 janvier 1886. Évidemment, il nie les faits, mais les différentes victimes et les témoins le reconnaissent et l’accusent formellement. Son avocat essaie de faire pencher la balance en mettant en avant ses problèmes d’alcool. Cela ne suffit pas et comme son passé ne joue pas en sa faveur, Pierre Benoni Aoustin est reconnu coupable et condamné à 15 années de travaux forcés. Le 9 février 1886, il quitte pour toujours les marais de la Brière et embarque, non comme matelot ou soutier pour une fois, à bord du Magellan à destination de la Nouvelle-Calédonie pour le bagne de l’Ile Nou, où il aura 16722 comme numéro de matricule. Il y décède moins de 2 ans plus tard.
Visiblement 15 ans, ce n’était pas assez puisque 5 ans supplémentaires ont été rajoutées à la peine de Pierre Benoni pour évasion le 10 février 1886. En vérité, il n’en était pas à son premier coup d’essai! En effet, le 20 octobre 1885, alors qu’il venait d’être arrêté et emprisonné à Saint-Nazaire, il trompa la surveillance des gardiens et profita d’un échafaudage pour se faire la belle. S’il avait su quel destin l’attendait, peut-être aurait-il disparu de la région? Faut croire que cela ne lui est pas venu à l’esprit car il retourna tranquillement à Saint-Joachim où il fut repris le soir-même alors qu’il faisait la fête dans une noce!
Sources & Crédits
Archives départementales de la Loire-Atlantique – 7R6/383 Aoustin Pierre Benoin (Saint-Nazaire)
Patrimoine BZH – Nouvelle prison de Pontaniou
Gallica – Le Courrier de Saint-Nazaire du 30 novembre 1879 page 1
Gallica – Le Courrier de Saint-Nazaire du 15 octobre 1882 page 2
Gallica – Le Courrier de Saint-Nazaire du 26 novembre 1882 page 2
Gallica – Le Courrier de Saint-Nazaire du 10 décembre 1882 page 2
Gallica – Le Courrier de Saint-Nazaire du 28 octobre 1883 page 3
Gallica – Le Courrier de Saint-Nazaire du 11 novembre 1883 page 2
Gallica – Loi du 23 janvier 1873 sur l’ivresse publique
Archives départementales de la Loire-Atlantique – 1 R 807 Liste départementale du contingent 1875 Vue 204/263
Archives départementales de la Loire-Atlantique – Le Journal d’Ancenis et de ses cantons du 2 janvier 1886 page 3
Archives Nationales d’Outre-Mer – FR ANOM COL H 414 – Dossier individuel de Pierre Benoni Aoustin Matricule 16722
Archives départementales de la Loire-Atlantique -Le Progrès de Nantes du 27 octobres 1885 page 3
Quel drôle de personnage tu nous as déniché là ! Je reste sans voix…
Et encore, j’ai ai pris le plus « soft » des briérons qui ont été au bagne 😉
Sacré numéro que ce Pierre Aoustin.
Les découvertes des bagnards sur le site des ANOM
Quel CV !!
C’est le moins qu’on puisse dire 😅
Un beau collectionneur de condamnations… Quelle pépite !
Son dossier des Anom les liste toutes!
Sacré CV ! Il est pas croyable lui !
Un membre de la famille ?
De lettre en lettre, on va de surprise en surprise ! Il fallait le trouver ce gredin là !
Une surprise aussi pour moi que je l’ai découvert 😆
L’absence de porte, l’échafaudage… déjà on est bien 😳😳 mais la noce à peine échappé de prison ?! Scénario totalement improbable 🙃 Belle matière pour tes brèves 😉
On pourrait ne pas y croire et pourtant 😅