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Horreur fluviale

Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.


La Marne est la plus longue rivière de France. Elle prend sa source sur le plateau de Langres, en Haute-Marne, et se jette dans la Seine, aux environs de Charenton-le-Pont, dans le Val-de-Marne. De nombreuses communes de ce département sont traversées par la Marne. Saint-Maur-des-Fossés en fait partie, avec toutefois une singularité : la rivière y fait un boucle entourant pratiquement ainsi toute la ville. Qui dit rivière, dit berges et celles de Saint-Maur sont particulièrement agréables. On peut y croiser des promeneurs, des coureurs et des pécheurs. Mais on peut aussi y faire de drôles de découverte, comme l’a fait Antoine Rouchon lors de sa promenade au bord de la rivière le 3 août 1929.

Biographie express et arbre de parenté avec mes enfants d’Antoine Rouchon – Recherches personnelles

Antoine Rouchon! Je suis sûr que ce nom vous dit quelque chose. En effet, Antoine n’est autre que le premier mari de Valentine Valton, la cartomancienne qui créaient des anges à Provins en 1942 et rencontrée à la lettre D de ce challenge («Divination en carafe»). C’est assez original de trouver un mari et sa femme dans des faits divers qui n’ont aucun rapport entre eux. Mais contrairement à Valentine, Antoine n’a rien fait de répréhensible. Comme le dira Andy Warhol en 1968 à propos de chacun, Antoine a eu son quart d’heure de célébrité! Ses déclarations sont reprises dans plusieurs journaux, à la suite de la découverte qu’il fit sur les bords de la Marne. Tout commence le 9 août 1929.

Le Journal de Rouen du 10 août 1929 – Archives de la Seine-Maritime

Dans la Marne, on ne trouve pas que des poissons ou des canards qui barbotent. Visiblement, les riverains ont l’habitude de voir flotter un peu tout et n’importe quoi dans la rivière. Cette fois, c’est un peu particulier. En effet, dans le sac qui s’échoue sur les berges, se trouvent la tête, le tronc et les jambes d’une femme. Sacrée découverte! Évidemment, une enquête est lancée et ce fait divers est repris par les journaux dont «Le Journal de Rouen» dans son édition du 10 août 1929. Au même moment, Antoine Rouchon est au Tréport avec sa famille. Il parcourt le journal du jour, qui est peut-être celui de Rouen, et prend connaissance de l’information. Celle-ci lui rappelle de suite la mésaventure qu’il a vécu une semaine plus tôt sur les bords de Marne.

Le Matin du 13 août 1929 – Gallica

En 1929, la famille Rouchon habite boulevard de la Marne dans le quartier de La Varenne Saint-Hilaire à Saint-Maur. Comme son nom l’indique, le boulevard, si bien entendu on le prend dans le bon sens, mène à la Marne. Le 3 août, Antoine décide d’aller se promener sur les bords de la rivière et emmène avec lui Claudine, la petite dernière de la famille. Selon certains journaux, il y allait pour pêcher. Toujours est-il qu’au cours de sa promenade, ou sa partie de pêche, il rencontre 2 femmes qui ont l’air de chercher quelque chose au bord de l’eau. Il s’agit d’un paquet flottant entre 2 eaux. Antoine, étant invalide du bras gauche, se fait alors aider par une des 2 femmes pour le ramener vers la berge. Il faut savoir que le mari de Valentine Valton est un ancien militaire, engagé à 19 ans et qu’il a été blessé le 5 mai 1917 lors de la prise de la tranchée de l’Aviatik, dans l’Aisne, en combattant dans le 12e bataillon des tirailleurs malgaches. C’est cette blessure qui a entraîné son invalidité. Le paquet arrivé sur la berge, Antoine constate qu’il est composé de 2 sacs attachés avec du fil de fer. Il délie les sacs et dégage alors la pierre qui les lestait. Connaissant le contenu des 2 sacs et sachant que ces derniers ont mariné pendant plusieurs jours, on peut aisément se douter de l’odeur qu’ils dégagent. Je ne sais pas si Antoine a le nez sensible, mais il s’en rend vite compte et pense avoir affaire à un cadavre. Il emprunte un couteau à un des pêcheurs se trouvant à proximité et tente d’ouvrir un sac. Il ne va pas très loin dans sa tentative d’ouverture car Claudine se met à pleurer. De plus, les pêcheurs lui disent qu’il doit probablement s’agir d’un cadavre de chien, comme on en trouve souvent dans la Marne. Antoine abandonne donc l’affaire et reprend la promenade avec sa fillette .

La Marne entre La Varenne et Créteil – Archives du Val-de-Marne

Le 12 août, Antoine est de retour à Saint-Maur et se présente aux policiers pour faire sa déposition. Il se rend avec les enquêteurs sur les lieux de sa découverte et ceux-ci retrouvent une des pierres ayant servi de lest. Le témoignage d’Antoine est publié dans les différents journaux du jour suivant. On peut penser que c’est son moment de gloire car même sa photo est présente dans un des articles. Mais la gloire, Antoine l’a déjà connue. En effet, il a été maintes fois décoré pour ses actes de bravoure sur les champs de bataille.

Maintenant, je suis sûr que vous vous posez tous la même question. L’énigme de la femme coupée en morceaux a-t-elle été résolue? Je vais vous faire une réponse, un peu à la mode normande, oui et non. L’enquête a duré plusieurs mois et a régulièrement fait l’objet d’articles dans les quotidiens. Elle a quand même abouti à certains résultats. Alors, oui, pour l’identité de la pauvre femme répartie en plusieurs morceaux dans des sacs. Et, non, en ce qui concerne l’auteur de ce carnage.

Marie Louise Blanche Augustine Bataille – Crimino Corpus

En août 1929, les policiers ont recensé près de 5 000 dossiers de disparition de femmes dont le signalement correspondait «à peu près» à celui de celle trouvée dans la Marne. Rapidement, ce nombre est descendu à 300 puis à une dizaine après des enquêtes aux 4 coins de la France. Petit à petit, celui-ci se réduisit pour finir à 1. On savait enfin qui était la malheureuse victime. Il s’agit de Marie Louise Blanche Augustine Bataille, âgée de 22 ans, née à Monteuil-sur-Mer le 14 juillet 1907. Marie avait quitté son Pas-de-Calais natal pour la capitale 8 ans auparavant et après avoir été vendeuse dans différentes boutiques, exerçait ce qu’on appelle «le plus vieux métier du monde». A l’image de l’affaire du Dahlia noir survenu en 1947, le meurtre de Marie ne fut pas élucidé. Charles Smadja, son souteneur, a été suspecté et arrêté, mais aucune preuve ni aveux de sa part n’ont pu le mettre réellement en cause.


Sources & Crédits
Wikipédia – La Marne
Archives départementales de la Seine-Maritime – Le Journal de Rouen du 10 août 1929 page 4
Gallica – Le Matin du 13 août 1929 pages 1 & 2
Archives départementales de la Dordogne – Fiche matricule d’Antoine Rouchon _ 02R0991 Classe 1905 Matricule 486
Archives départementales du Val-de-Marne – La Marne de La Varenne à Créteil
Gallica – Le Petit Journal du 13 août 1929 page 3
Crimino Corpus – Mystère de la femme coupée en morceaux
Gallica – Le Petit Journal du 5 septembre 1929 pages 1 & 3
Archives départementales du Pas-de-Calais – 3 E 558/57 Vue 53/316
Wikipédia – Affaire du Dahlia noir
Gallica – Le Petit Journal du 21 janvier 1930 pages 1 & 4

20 commentaires

  1. En commençant cette lecture j’ai tout de suite pensé aux pauvres noyés que je croise assez souvent dans les registres de décès – berceau ancestral maternel très proche d’une boucle de la Seine. Je n’y ai encore jamais vu de morceaux de cadavres 😅

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