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Indigestion de fer

Brèves d’infos est un journal éphémère créé spécialement pour le ChallengeAZ 2024. Il paraît tous les jours du mois de novembre 2024 sauf le dimanche. L’édito journalier porte sur un drame, un instant de gloire, un choix de vie ou un acte héroïque. Les protagonistes de ces moments sont la plupart du temps des cousin(e)s plus ou moins éloigné(e)s ou leurs conjoints. 26 numéros de Brèves d’infos qui mettent en avant des faits dans la vie de ces individus et qui passent inaperçus à la lecture seule des actes d’état-civil les concernant.


Le 5 juillet 1972, le décret 72-608 institue le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), plus communément appelé «Sécurité routière». Cela devenait plus que nécessaire car cette année-là, on a compté un nombre record de personnes tuées sur la route, 18 034 pour être précis. En effet, depuis que l’Homme utilise un autre moyen que ses pieds pour se déplacer, celui-ci peut être la cause d’accidents qui se révèlent quelquefois mortels. Sylvie et Raymond du blog «L’arbre de nos ancêtres» en font la démonstration pour un fait arrivé en 1789 dans l’article dédié à la lettre A de ce même challenge «A comme Accident de la route». Victor Bemelmans en est aussi l’exemple lors de sa rencontre inopinée avec un tramway à Courbevoie à l’automne 1913.

Biographie express de Victor Bemelmans et arbre de parenté avec mes enfants – Recherches personnelles

Victor Antoine Bemelmans et le retour d’un des mes patronymes fétiches. En effet, ceux qui me connaissent savent que j’ai consacré un certain nombre de billets aux porteurs de ce nom comme par exemple «N comme le N de Nuth – Léonard Bemelmans (1703-1762)». Par ailleurs, ce patronyme est déjà apparu de manière fugace dans l’article de la lettre E «l’Eau de feu» concernant le mari d’Antoinette Henry. Jusqu’à ce que son nom soit mentionné dans l’«Excelsior» du 17 septembre 1913, Victor Antoine est, comme Antoinette Henry, un invisible. Il est né le 10 mai 1865 à Bonneuil-sur-Marne et est le premier enfant d’Etienne et de Maria Locolant. En 1894, il épouse Alexandrine Ducellier à Thiais, dont il divorce 3 ans plus tard. Un mois après cette séparation, il se remarie dans l’Yonne, à Accolay, avec Anna Saunois. A cette époque, Victor réside toujours à Bonneuil et est cultivateur. En 1913, Victor habite dans le 18e à Paris et est possiblement séparé d’Anna, puisque celle-ci est domiciliée à Genève où elle travaille comme cuisinière. Le 15 septembre, Victor, qui est désormais charretier, conduit tranquillement son attelage sur le boulevard de Courbevoie, dans la ville du même nom, quand survient le drame.

Excelsior du 17 septembre 1913 – Gallica

La lecture du début de l’entrefilet peut prêter à sourire et même à rire si on cherche à visualiser la scène. En effet, on peut imaginer Victor sifflotant tranquillement en train de mener sa chariote, puis l’instant d’après effectuant un magnifique vol plané vers le sol, après qu’un tramway ait malencontreusement embrassé son véhicule. Effectivement, on peut voir cela ainsi., seulement voilà, la fin de l’article est nettement moins drôle. Victor n’a pas la chance d’être éjecté sur le côté mais plutôt vers l’avant de sa charrette. Le cheval, n’ayant pas de frein d’arrêt d’urgence, continue sur sa trajectoire et le pauvre charretier passe alors sous les roues de son véhicule. Comble de malchance, celui-ci est chargé à bloc avec rien de moins qu’une tonne cinq de fer. Ce poids ajouté à celui de la charrette a eu raison du malheureux Victor qui est décédé peu après.

L’article mentionne que le tramway a heurté la charrette de Victor par l’arrière. Donc, selon le code de la route, le tram serait en tort, mais même en disant cela, le résultat ne change pas et Victor est mort . Toutefois, l’édition du 16 septembre du quotidien «Le Petit Journal », livre une version un peu différente de l’accident.

Le Petit Journal du 16 septembre 1913 – Gallica

Tout le monde sait que Victor Bemelmans s’écrit Charles Edelman! Nous ne sommes pas à quelques lettres près. Il s’agit bien de notre Victor car le journaliste a au moins cité une bonne information, son adresse. Dans cet article, c’est le cheval de Victor qui est désigné responsable de l’accident. En effet, si ce brave animal n’avait pas décidé de faire un écart sur la voie du tramway, ce dernier n’aurait jamais heurté la charrette et Victor n’aurait pas fini sous les roues de celle-ci. En vérité, quelques soient les causes de l’accident, le bilan est dramatique pour Victor. Son acte de décès indique qu’il est mort face au n° 161 du boulevard Saint-Denis, qui est perpendiculaire au boulevard de Courbevoie et qui l’enjambe par un pont. On peut penser que Victor a été transporté avant de s’éteindre.

Courbevoie- Le Boulevard de Courbevoie et la Passerelle de la Rue Saint-Denis – Wikipédia

Sur cette carte postale, datant du début du siècle dernier, on a le lieu mais aussi tous les protagonistes de l’accident. Le charretier et son attelage ainsi qu’un tramway électrique à accumulateurs, système Heilmann, de la Compagnie des tramways de Paris et du département de la Seine (TPDS). Qui sait s’il ne s’agit pas de celui-ci?

A l’origine, cet article devait s’intituler «Mortifère», une idée de ma petite dernière 😍, mais les exigences du challenge à égrener les lettres de l’alphabet ont fait qu’un autre fait divers s’est vu attribuer la lettre M. Je sais que le titre «Indigestion de fer» peut faire cynique, surtout dans le cas où l’on se dit que Victor était peut-être anémié, et qu’en voulant régler cela, il a fait un surdosage en quelques secondes! Bon, je vais me cacher…


Sources & Crédits
Légifrance – Décret n° 72-608 du 5 juillet 1972
Info.gouv.fr – 50 ans de sécurité routière
Gallica – Excelsior du 17 septembre 1913 page 6
Gallica – Le Petit Journal du 16 septembre 1913 page 3
Archives départementales des Hauts-de-Seine – Décès 1913 Vue 107/162
Wikipédia – Courbevoie – Le Boulevard de Courbevoie et la Passerelle de la Rue Saint-Denis
Wikipédia – Jean-Jacques Heilmann
Wikipédia – Compagnie des tramways de Paris et du département de la Seine

15 commentaires

  1. C’est toujours la lutte entre le pot de fer et le pot de terre ! Une métaphore pour dire que le pauvre Victor et son cheval ne pesaient pas lourd face au tramway

  2. Oui on retrouve ici la même histoire, et le même dénouement, que dans notre article sur l’Accident de charrette (merci de nous mentionner). En tout cas, c’est incroyable la différence des versions rapportées par la presse. Je pense que ça arrange bien la compagnie des tramways de rejeter la faute sur l’écart du cheval (nous évoquerons le sujet des responsabilités à la lettre W du challenge ;-)).
    Et merci pour l’humour distillé dans ces Brèves d’infos !

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